LE CONTEXTE
Pour mes parents et la majorité des Açoriens, la vie à São Miguel est précaire et très difficile dans les années 1940-1950. Les hommes, camponeses (paysans) à plus de 95 %, s’entassent chaque jour au coin de certaines rues en quête de travail. Les propriétaires viennent y choisir la main-d’œuvre. Les plus désespérés et affamés mettent un vêtement sur leurs épaules. Par ce geste, ils signifient leur extrême précarité, leur besoin urgent de travail et de nourriture. Certains reviennent à la maison sans travail, la pioche, o sacho, sur l’épaule et bien découragés.
Le manque de travail est endémique. São Miguel, les Açores et le Portugal tout entier vivent une grave crise économique. En mars 1952, le discours à l'Assemblée nationale d'Armando Candido, député de Ponta Delgada, confirme les mots de mon père. Utilisant une recherche de Pedro Cybrom, il informe que chaque paysan travaille en moyenne 92 jours par année ; 85% des paysans, reçoivent un salaire 3,5 mois par année, en moyenne.
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Le menu quotidien est déjà limité quand on travaille, mais, sans
travail, nourrir la famille devient un vrai défi pour tout le monde.
En travaillant de longues heures, le camponês gagne peu, quelques
5 escudos par jour vers la fin des années 1940 et 15 escudos
(environ 50 sous) au milieu des années 1950. Difficile de se bâtir
une vie dans ces conditions.
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En hiver, la vie se corse, les pêcheurs n’osent pas aller en mer, il peut se passer des semaines sans qu’on puisse acheter du poisson. Quand on en a, on les sale pour faire des réserves.
Cette photographie en dit long
sur le contexte qui a précipité tant d’Açoriens à la recherche d’un monde meilleur dans les années 1950 …
Mon père (3e de gauche) avec deux de ses amis qui émigreront avec lui, Manuel Pascoal (1er de gauche) et Jacinto Almeida (2e de gauche). Trois des quatre hommes sont nus pieds.
Ponta do Cintrão, Ribeirinha, São Miguel
MON PÈRE DIT SOUVENT : « COMMENT PEUT-ON ORGANISER UNE VIE SI CHAQUE MATIN ON NE SAIT PAS SI ON VA
TRAVAILLER OU NON ? »
O sacho, la pioche que tous les camponeses (paysans) utilisent pour travailler la terre à São Miguel et dans tout l’archipel.